Bob Jésus

Bob Jésus

Une pièce de et avec Didier Gesquière

Mise en forme & cinématographie : Céline Charlier

Production Cabot And Co / Le Plus Petit Théâtre du Monde

Bob Jésus : Une comédie noire avec du caractère

Ecrite au début des années 2000 par Didier Gesquière, Bob Jésus, a été créée/produite dans différents lieux et pays – Belgique, France, Suisse – avec des distributions et mises en scène diverses, saluées avec enthousiasme par le public et la critique.

Ce texte a été créé par l’auteur, une première fois en 2008, à Bruxelles.

Vous trouverez des extraits de presse qui ont jalonné la vie de ce texte depuis plus de vingt ans. Ils sont intégrés à ce dossier, encadrés comme des regards extérieurs, des points de vue autour de ses représentations et de ses mises en scène.

Didier Gesquière endosse le costume étroit de croque-mort avec une grande aisance, comme s’il avait pratiqué “l’ultime mise en beauté” toute sa vie. Homme de théâtre depuis plus de vingt ans, il est aussi une figure de la télévision avec de nombreux rôles et la présentation d’émissions. Il a également prêté sa voix à “Javas”, l’agenda culturel de la RTBF.

(La libre, 2008)

Aujourd’hui 2022 : une recréation Over The Edges

Quelques mots de Céline Charlier et Didier Gesquière à propos de cette version présentée à Avignon, au Théâtre Transversal et dans Le Plus Petit Théâtre Du Monde dans le Hainaut, (Belgique) en mai 2022.

Au sortir d’une relecture de Bob Jésus, il y a trois ans, une évidence s’est invitée dans nos réflexions ; cette « recréation » devait correspondre aux singularités de nos parcours, faire corps avec ce qui nous pousse à travailler en binôme.

Après deux documentaires de long-métrage réalisés en duo, un court-métrage primé en festival (dirigé par Céline, écrit et interprété par Didier), et des projets de films en cours d’écriture, le format cinématographique est un point qui relie notre désir de créer. Dès lors l’intégrer à cette production théâtrale devenait une évidence pour raconter cette histoire aujourd’hui ; ce point commun est source de possibles glissements d’un art à l’autre ou vers l’autre, source d’intermédialité.

Nos deux structures, Cabot And Co, notre société qui produit nos films, et Le Plus Petit Théâtre Du Monde #pptdm, notre lieu de création théâtrale situé dans le Hainaut, en Belgique, sont des outils personnels qui nous permettent de jongler, d’interroger les spécificités narratives de ces deux langages et de jouer avec des blocs de sensations.

Bob Jésus (version 2022) est le fruit de cette réflexion. L’art vivant en dialogue avec le cinéma ouvre des pistes, des entrées vers une lecture plurielle, et permet surtout de raconter cette histoire autrement.

Développement et approche spécifique – une démarche

Autrement

Bob Jésus exige « quelque chose de particulier » dans l’approche dramaturgique.

Un homme, un croque-mort issu d’une longue lignée de croque-morts, se livre, parle de sa vie, de ses nuits sans sommeil, de sa passion pour la dépouille, de son amour envers les êtres en position horizontale ; ses humeurs, son humour et sa philosophie sont propres à l’être qu’il est et à sa profession.

Le récit de cet homme mène le spectateur au centre d’un univers singulier ; un grand professionnel raconte un travail qui, en principe, fait froid dans dos, le job de l’ultime toilette a quelque chose de secret, de sacré. Il évoque notre finitude et invite la peur, la terreur même. Ce job n’est donc pas banal. Son histoire engendre un véritable roman de vie, un flot de paroles s’échappe de ce commerçant très solitaire. Nous souhaitons partager ce qui constitue Bob Jésus au plus près du réel, sans afféterie, ou excès qui font mouche. Son point de vue sur l’existence est radical, notre objectif est de le restituer de façon authentique en mettant à distance les codes inhérents à la comédie.

Le rire doit surgir au sortir d’une petite crispation… Autrement

L’humour dit “noir”, plutôt british de Didier Gesquière, à l’écriture comme à l’interprétation, est non pas celui au ton ravageur des Topor, Panique et Cie, mais plutôt celui, à la Swift, qui n’est pas sans rappeler ce vieux film de Tony Richardson : “The loved one”/ “Ce cher disparu”, dont le slogan était “le film qui ne respecte rien ni personne”. En 1965, il est vrai, le cérémonial funéraire et les procédés d’embellissement des défunts étaient encore peu connus en Europe. Et malgré le succès de la série “Six feet under” (2001–2005), tout ce qui entoure la mort d’un être dit “cher” n’est toujours pas un banal sujet de conversation dans nos familles. Un traitement non dramatique du sujet est donc encore assez rare.

Tout cela fait un excellent (très) seul en scène de Didier Gesquière, auteur et acteur trop rare sur nos planches. 

(Rue du Théâtre, 2008)

Point de vue

Ici, la mort est abordée frontalement comme un commerce, comme dans une success story à l’américaine par le truchement d’un croque-mort qui réussit. Il est question, en filigrane, de communication et de consumérisme, ces terribles fléaux de la société capitaliste : Bob Jésus vend et vante ses services exceptionnels et personnalisés – à la carte, et sur-mesure – comme le font les VRP ou les marketeurs avec ce sourire qui sied au management … Avec lui la mort est confortable, séduisante… un moment doux à vivre comme une expérience ! La mort version Storytelling.

C’est donc dans un « entre-deux » que se joue ce spectacle.

Didier Gesquière démystifie la mort pour nous montrer les dessous d’un marché très lucratif. Il interpelle le spectateur en jouant avec les sentiments contradictoires qui accompagnent le deuil : la douleur, la compassion de façade et l’insupportable cynisme qui ne connaît aucune frontière.

C’est aussi un regard tendre, mais néanmoins critique, que porte l’auteur sur la solitude d’un être élevé avec des cadavres sous ses pieds, un homme qui ne connaît de la vie que la mort, et qui préfère la fréquentation des trépassés à l’homme vertical perclus d’arrogance. Bref, Bob Jésus a sa propre philosophie de la mort et du « passage ».

(… attendri par ce sympathique croque-mort célibataire, on est ensuite – en tant qu’être humain doué de raison – un peu bousculé par ses propos cyniques qui vont crescendo. Mais finalement, comme lorsque l’on regarde Le père Noël est une ordure pour la première fois, on se laisse entièrement happer par l’humour noir de ce solo délirant. Et, ça fait du bien…)

(Revue Choisir, 2016)

Dans la lignée de la série télévisée “Six feet under”, Didier Gesquière incarne à sa manière un croque-mort zélé qui a le sens du commerce. D’un extrême cynisme, le croque-mort détaille les procédés de “l’ultime mise en beauté” tout en fantasmant ses propres funérailles. Mise en scène froide et esthétique, propos étranges et sarcastiques démystifiant la mort, la pièce fait sourire et frémir.

(La Libre, Vu & Approuvé, 2008)